Dans la peau de Lionel Jadot

Quel regard portez-vous sur ces cinq dernières années et quels sont vos projets pour l’avenir ?

En mars 2024, nous publierons un livre sur Zaventem Ateliers. L’auteur est un anthropologue qui a rejoint notre collectif dès sa création. Nous disposons également de plus de 20 000 photos prises depuis le début du projet et témoignant de son évolution. Ironie du sort, Zaventem Ateliers est exactement à l’image de ce que j’avais imaginé il y a cinq ans. Tout a commencé par une vision. Sans savoir comment j’allais réaliser ce rêve, je me suis laissé guider par mon intuition, comme je l’ai toujours fait d’ailleurs. Lorsque j’ai rencontré ma femme il y a 28 ans, j’ai immédiatement senti qu’elle serait l’amour de ma vie et je l’ai immédiatement demandée en mariage. Aujourd’hui, nous avons trois filles et sommes toujours heureux ensemble. Je suis capable de prendre des décisions très rapidement. C’est oui ou non. Dans le passé, il m’est arrivé d’accepter des projets pour de mauvaises raisons et, à chaque fois, je l’ai regretté. À mes dépens, j’ai appris à écouter ma voix intérieure. C’est l’avantage de vieillir.

Votre voix intérieure est-elle à l’origine de tant de dynamisme ? Êtes-vous quelqu'un de spirituel ?

Pour moi, le mysticisme est la prise de conscience que nous vivons sur un minuscule caillou dans une galaxie sans fin. Je lis actuellement le livre d’un astrophysicien qui conclut, sur la base de la physique quantique, que nous vivons dans une simulation. Qui le contredira ? Ce n’est pas parce que nous ne pouvons pas voir ou expliquer une chose qu’elle n’existe pas. Pour moi, l’astrophysique est donc une forme de poésie qui conduit à des questions existentielles sur les origines de l’humanité. Certains parlent de spiritualité, mais la physique quantique a prouvé que tout est énergie. Cela explique pourquoi un plat fait maison avec amour a bien plus de goût qu’un plat industriel. De même qu’une table sur laquelle un artiste a travaillé avec cœur et âme donne plus d’éclat à une pièce qu’une table Ikea qui finit à la poubelle au bout de quelques années. Dans un certain sens, opter pour le collectible design est donc une prise de position politique, car ce faisant, vous soutenez la production locale et permettez à d’autres de vivre de leur œuvre. En même temps, cela démontre une ouverture d’esprit et une attitude consciente face à la vie.

D’où la philosophie collective derrière Zaventem Ateliers ?

En effet ! Pour que l’énergie reste pure, tout le monde devait avoir voix au chapitre. Au début, j’avais encore un statut de pater familias à la tête de l’atelier, mais progressivement, mon rôle a été repris par différents groupes de travail. Chacun porte ainsi une responsabilité partagée. Ce sont les 25 talents créatifs qui tiennent désormais les rênes. J’ai peut-être lancé la machine, mais je n’ai jamais eu l’ambition d’en être le patron. Outre la gestion quotidienne, je siège au comité de sélection instauré pour garantir le maintien de la vision initiale du projet. Pour chaque nouvelle candidature, nous vérifions que le candidat est différent des autres artistes du collectif. Cela aurait en effet peu d’intérêt de réunir 20 artistes céramistes sous un même toit. Ce n’est que lorsque nous pensons qu’une personne pourrait apporter une valeur ajoutée à l’ensemble que nous l’invitons à un entretien. Dans les faits, nous refusons beaucoup de monde parce que nous plaçons la barre très haut. Ce qui ne veut pas dire que les artistes émergents n’auront pas leur chance, au contraire ! C’est justement le mélange entre jeunes et moins jeunes, entre artistes établis et talents en devenir, qui rend le projet intéressant. Le fait d’unir nos forces nous a placés sur la scène internationale.

Le prochain défi consistera à implanter le concept au Portugal. Plus précisément sur le site de Barrosinha, un domaine de plus de 2 000 hectares situé à une heure de route de Lisbonne, dans la province de l’Alentejo. J’ai découvert ce lieu magique grâce à un artiste portugais et, avec deux associés, Mircea Anghel et Edouard Fernandez, nous avons décidé de créer une start-up. À l’instar de Zaventem Ateliers, nous voulons y construire 50 ateliers tout en offrant aux artistes la possibilité de s’y installer temporairement. Entouré de vignobles, de forêts de chênes-liège et de rizières, l’endroit est idéal. Via la fertilisation croisée de l’agriculture, la culture, le design et le mode de vie, nous visons à construire un écosystème basé sur l’économie circulaire. Cela peut sembler utopique, mais nous avons réussi à attirer des investisseurs. Ils ne s’intéressent pas tant aux bénéfices immédiats qu’à un nouveau mode de vie. Les visions d’avenir ne peuvent pas se résumer à des chiffres et nous espérons pouvoir convaincre d’autres investisseurs dans une deuxième phase du projet.

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