Depuis le 1er mai 2022, Brieuc Van Damme est CEO de la Fondation Roi Baudouin (FRB). Ses fonctions de président du Groupe du Vendredi et de directeur général du Service des soins de santé à l’INAMI l’y avaient bien préparé, mais il a aussi été choisi pour sa vision progressiste. Son engagement en faveur d’un monde meilleur lui a été inculqué dès son plus jeune âge. Il a grandi en Afrique, où il a appris, dit-il, l’importance de la sécurité juridique et de la démocratie pour le développement de cette région.

La Fondation Roi Baudouin facilite le fonds d’entreprise à caractère social de Delen Private Bank. À travers ce fonds, la Banque donne aux organisations et projets sociaux les moyens financiers de leurs ambitions en matière de santé et d’enseignement de qualité. Entretien avec Brieuc Van Damme sur l’avenir de la philanthropie, du développement durable et du smart money.

Votre passage à la FRB en a surpris plus d’un, un an après votre prise de fonction de directeur général du Service des soins de santé en pleine crise Covid. Pourquoi ce changement de cap anticipé ?

Durant 13 mois, je me suis totalement dévoué à ma mission à l’INAMI. Avoir pu participer à la gestion d’une crise qui a touché directement 11 millions de Belges est un grand privilège. En même temps, la fonction publique requiert une certaine patience, en particulier à l’égard de groupes de pression qui n’ont pas la même vision sociétale. Pour quelqu’un qui a toujours eu l’intérêt général en ligne de mire, c’est synonyme de désillusion. En revanche, la FRB, en tant qu’institution indépendante, est le cadre rêvé pour ouvrir la voie à des initiatives et projets novateurs. Dans un scénario idéal, j’aurais d’abord terminé mon mandat de six ans à l’INAMI, mais j’ai réalisé que j’avais là une occasion unique à saisir. En quarante-sept ans d’existence de la FRB, ce n’était que la deuxième fois que le poste se retrouvait vacant. L’impact est aussi souvent lié à l’autonomie, et cette autonomie est plus forte à la FRB.

Je vois la FRB comme un petit vaisseau très maniable, qui correspond bien à ma nature plutôt impatiente. En tant que cofondateur et président du Groupe du Vendredi — un groupe de réflexion soutenu par la FRB —, je pensais déjà connaître un peu l’institution. Mais son champ d’action s’est vite avéré plus diversifié et international que je ne l’avais imaginé.

De plus, c’est un privilège de travailler avec des personnes qui ont autant de talent, d’expertise et de connaissances. Elles viennent de tous les coins du pays et de tous les horizons, mais travaillent à l’unisson, dans la même direction. Nous avons déjà pu réaliser un certain nombre de choses à court terme, que j’avais déjà en tête lorsque je travaillais dans la fonction publique. C’est très motivant.

La Fondation Roi Baudouin est comme un petit vaisseau très maniable. Cela correspond bien à ma nature plutôt impatiente.

— Brieuc Van Damme

Vous comparez la Fondation Roi Baudouin au Starship Enterprise du film Star Trek : «  Nous allons là où les autres n’osent pas aller ». Un exemple concret ?

Je vois la FRB comme un laboratoire d’innovations. Ainsi, nous avons créé un consortium européen en réponse aux protestations des gilets jaunes. En effet, d’un point de vue démocratique, il fallait trouver un moyen de dialoguer au niveau national et international. La crise énergétique et le changement climatique affectent particulièrement les plus vulnérables au sein de la société. Je pense notamment aux personnes toxicomanes, sans-abri, au chômage, ou encore, aux habitants des pays en développement. Nous cherchons la bonne méthodologie pour atteindre ces personnes, afin que les décideurs puissent prendre en compte leurs préoccupations. Ce n’est pas quelque chose qu’on fait en publiant simplement un message sur un site internet.

Cette initiative a suscité beaucoup d’intérêt, car dans le cadre de la Convention des Nations Unies sur le changement climatique, nous avons pu présenter nos conclusions lors de la COP27 à Charm el-Cheikh, à la demande de la Commission européenne. Mais nous voulons aussi faire la différence chez nous. Notre indépendance nous permet de prêter attention à des questions qui échappent à d’autres. Je pense par exemple aux soins palliatifs pour les enfants, une question délicate et trop souvent oubliée au niveau politique en raison de notre structure étatique. La FRB peut rassembler et soutenir les différents acteurs concernés.

Selon vous, à quels critères la philanthropie doit-elle répondre pour être durable ?

Le mot philanthropie a souvent été synonyme de charité, mais je pense qu’il est plus durable de donner aux gens les moyens d’agir. Nous pouvons aider financièrement les organisations, mais nous obtenons bien plus si nous leur fournissons les outils nécessaires pour devenir autonomes. Je pense que nous finirons par évoluer vers un modèle socioéconomique autonome, même si c’est un processus complexe.

Un deuxième principe important en matière de durabilité est la manière d’investir dans les fonds. Notre politique d’investissement doit être en accord avec nos autres objectifs sociétaux. Par exemple, il serait absurde de soutenir un projet de lutte contre l’obésité infantile tout en investissant dans un producteur de sodas.

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Delen Private Bank soutient CodeNPlay, un projet de transition numérique dans les écoles primaires, en lui apportant des fonds et du savoir-faire. Que pensez-vous de cette forme hybride de philanthropie ?

En un sens, l’investissement dans le capital humain a toujours existé. Je pense aux aidants proches et aux bénévoles qui s’investissent de manière désintéressée dans des bonnes causes. Mais nous observons aussi depuis peu une implication de plus en plus importante de grands acteurs philanthropiques, ce qui crée une sorte d’effet de levier. Le Giving Tuesday en est un bel exemple : de grandes entreprises donnent à leurs travailleurs du temps libre pour s’investir dans une bonne cause. La philanthropie n’est pas seulement une question d’argent, mais aussi de temps et de savoir-faire pour accroître l’impact d’organisations socio-économiques. Au lieu de se contenter d’investir dans des projets, l’idée est d’aider les organisations à atteindre leurs objectifs plus rapidement. Cette forme de venture philanthropy ne fera que prendre de l’ampleur dans les années à venir. L’importance croissante du smart money est en train de changer le profil du philanthrope. Avant, les fonds destinés aux bonnes causes étaient souvent légués par testament. Aujourd’hui, et à juste titre, de plus en plus d’entrepreneurs actifs veulent voir ce qu’il advient de l’argent qu’ils consacrent à une bonne cause.

Qui se cache derrière CodeNPlay ?

Nadine Khouzam a des racines libanaises et travaille pour META à Londres, mais elle est née et a grandi à Bruxelles. En 2013, elle défendait notre pays aux J.O. en tant que gardienne des Red Panthers. En parallèle, elle étudiait l’informatique à l’université. Très vite, elle est devenue la personne de contact au sein de l’équipe nationale de hockey pour toutes les questions numériques. Cette expérience l’a finalement poussée à fonder CodeNPlay en 2017. Sous la devise « Habitude du berceau dure jusqu’au tombeau », elle conçoit des robots pour enseigner de manière ludique le codage et la programmation aux jeunes enfants. Sa méthode a donné des résultats étonnants. En cinq séances d’une heure, les enfants ont suivi le même programme que les étudiants en première année d’informatique à l’université. L’absentéisme a en outre rapidement diminué. Les enfants en décrochage ont aimé retourner à l’école. Ce qui avait débuté comme une expérience a finalement abouti à la création d’une ASBL avec le soutien financier des pouvoirs publics, de la Fondation Roi Baudouin et de Delen Private Bank.

Lisez ici l'article complémentaire à propos de CodeNPlay

En 2016, vous êtes allé vous ressourcer en Norvège. Comment cette période vous a-t-elle changé ?

Diriger est un processus éprouvant, physiquement et mentalement. Pendant mon année sabbatique en Norvège, j’ai appris que l’on pouvait se protéger d’un stress excessif en équilibrant mieux sa vie. Je ne suis pas du genre à m’asseoir sur une montagne pour méditer, mais repousser mes limites physiques me calme. Même maintenant que j’ai repris le travail, je m’accorde du temps pour faire du sport et des pauses dans la nature. Je suis convaincu que s’arrêter un instant stimule les pensées novatrices et créatives. J’essaie donc d’apporter ce calme au sein de la FRB. Dès l’an prochain, il n’y aura plus de réunions le vendredi matin. Chaque collaborateur disposera d’une demi-journée par semaine pour se ressourcer en lisant, en écrivant, en marchant, en rattrapant son retard, etc. «  Reculer pour mieux sauter », j’y crois fermement.

Vous voulez en savoir plus sur Brieuc Van Damme ? Lisez un autre complément à cet article ici.

 

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