Après ses études de biologie à la KU Leuven, Geert Horsten a suivi son mari à Knokke afin de reprendre pour la quatrième génération l’entreprise familiale Grappe de Raisins. Dans l’épicerie fine, elle nourrit une telle passion pour les fromages artisanaux qu’elle finit par devenir maître fromager. Inspired l’a suivie à la ferme Little Cheese Farm. On vous dit tout sur la tradition séculaire de la fabrication du fromage.
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Qu’est-ce qui vous a poussée à devenir maître fromager ?

Cela faisait longtemps que je vendais du fromage dans notre épicerie fine, mais il y a toujours quelque chose de nouveau à apprendre et j’ai trouvé fascinant de rencontrer des personnes qui avaient la même passion que moi. Lorsque vous dégustez un fromage en compagnie d’autres personnes, vous découvrez bien plus toutes les subtilités de sa saveur. Un peu comme un sommelier, un maître fromager apprend à utiliser la rétro-olfaction pour mieux décortiquer les goûts. Comme je n’ai pas un odorat très développé au départ, c’est ce qui a été le plus difficile pour moi.

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Il existe d’innombrables types de fromages. Du brie délicieusement crémeux au cheddar ferme et épicé. Comment expliquer de telles différences ?

Outre le fait qu’il existe différents types de lait, chaque étape du processus de production est également déterminante. Deux processus sont possibles. Soit le fromager opte pour le caillage lactique, où les bactéries d’acide lactique font lentement leur travail. Ce procédé est principalement utilisé dans la production de fromage de chèvre frais acidulé. Soit le caillage se fait par voie enzymatique, ce qui provoque une agglomération rapide du lait et élimine davantage d’eau du mélange. Dans les deux cas, une masse solide, appelée « caillé », est créée puis découpée en larges bandes ou en tout petits cubes. Selon la quantité d’eau restante et la température ambiante, on obtient un fromage dur ou crémeux. Les levures, les moisissures et les bactéries créées ou ajoutées au cours du processus d’affinage vont également influencer la saveur. De même que l’affinage détermine si la croûte d’un fromage sera grasse, dure ou plutôt duveteuse.

Cela semble un peu complexe pour une tradition qui remonte au 8e siècle avant notre ère. Peut-on en conclure que l’origine du fromage est le fruit du hasard ?

Oui, c’est exact. La tradition est née avec la sédentarisation des hommes. Ils utilisaient l’estomac des veaux pour conserver le lait. Les enzymes contenues dans l’estomac permettaient au lait de coaguler et de se conserver beaucoup plus longtemps. Cette particularité a incité les hommes à se livrer à toutes sortes d’expériences. Des fouilles archéologiques montrent ainsi que les hommes préhistoriques utilisaient déjà la passoire ou la faisselle pour égoutter le lait caillé. Mais après la chute de l’Empire romain, le fromage a disparu du menu de nos régions pendant un certain temps. Les choses changent au Moyen Âge grâce à l’essor des abbayes, qui deviennent de véritables laboratoires à inventer de nouveaux fromages.

Lorsque vous dégustez un fromage en compagnie d’autres personnes, vous en découvrez bien plus toutes les subtilités.

— Geert Horsten

On mange du manchego en Espagne, de la feta en Grèce et du parmesan en Italie. Pourquoi toutes ces différences ?

Tout commence par le paysage et le climat. En Grèce et en Espagne, par exemple, les paysages sont trop arides et montagneux pour que les vaches puissent y paître. C’est pourquoi les fromages de chèvre et de brebis y sont les produits les plus répandus. En Italie et en Suisse, en revanche, les vaches paissent dans les alpages. Pour éviter de devoir descendre dans les villages en contrebas, on a commencé à fabriquer des fromages de grande taille qui se conservent plus longtemps et c’est comme ça que cette tradition s’est développée.

Quelle est la place de la Belgique dans le monde du fromage ?

Notre pays n’a qu’un seul fromage d’AOP, le Herve Remoudou, alors que la France en a plus de 40. La bonne nouvelle, c’est que les fromagers flamands, comme Little Cheese Farm, remportent de plus en plus de prix internationaux. Et avec Van Tricht, nous avons un affineur de fromages de renommée mondiale. Le lavage, le retournement et l’affinage des fromages, c’est tout un art, et cela détermine en grande partie le goût du fromage.

Quels sont les critères à respecter pour qu’un fromage puisse bénéficier d’une Appellation d’Origine Protégée (AOP) ?

Un label AOP garantit non seulement l’origine géographique du fromage, mais aussi la qualité irréprochable issue de facteurs humains et naturels propres à une région. Tout commence par l’alimentation des animaux, car elle est liée au paysage et à la nature. C’est pourquoi la plupart des AOP prévoient que les vaches puissent manger de l’herbe fraîche et ne se contentent pas de foin et d’ensilage en hiver. Le mode de production et d’affinage du fromage est également pris en compte.

À chaque étape, des règles garantissent le maintien de la tradition. En outre, ces techniques ancestrales garantissent une production durable et écologique. Mais les grands producteurs de denrées alimentaires font pression pour que l’on s’écarte de ces principes. Par exemple, ils veulent obtenir un certificat AOP pour un camembert à base de lait pasteurisé, raison pour laquelle une véritable guerre du camembert fait rage depuis 20 ans. Ces mêmes producteurs veulent faire croire au public que les fromages pasteurisés sont plus sûrs parce que le risque de listériose serait plus élevé avec un fromage au lait cru. Or, la recherche a prouvé que l’écosystème bactérien des fromages au lait cru éliminait des bactéries comme la Listeria. Les fromages au lait cru apportent également une saine diversité à notre flore intestinale. Mais les grands producteurs favorisent les fromages pasteurisés parce que leur production peut être standardisée.

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L’importance croissante d’une alimentation saine joue-t-elle en faveur des fromages artisanaux ?

C’est un peu plus compliqué que cela. En Normandie, par exemple, j’ai rendu visite à un petit producteur de fromages qui avait fait des affaires en or grâce au covid. Les gens venaient acheter directement à la ferme, en se promenant à pied ou à vélo. Mais une fois le confinement levé, le comportement des consommateurs a changé. Ils ont à nouveau préféré voyager puis, avec l’inflation et la crise énergétique, ils ont opté pour les supermarchés les moins chers. Par ailleurs, certains mythes sur la santé sont entretenus par le lobby des grands conglomérats. Par exemple, je reçois souvent au magasin des personnes qui n’osent pas manger de fromage en raison d’une sensibilité au lactose, mais le lactose n’est rien d’autre qu’un sucre qui se transforme en acide lactique au cours du processus d’affinage. Vous pouvez donc être sûr qu’un vieux fromage à pâte dure ne contient pas de lactose !

Voyagez-vous beaucoup dans le cadre de votre travail ?

Non, mais cette passion pour le fromage m’accompagne en permanence, même en vacances. Lors de notre séjour dans les Vosges, j’ai rendu visite à notre fournisseur de Munster. Après un long trajet en voiture, je me suis retrouvée dans une ferme isolée où un agriculteur vivait avec ses 50 vaches. Ce qui m’a aussi beaucoup marquée, c’est le mode de fabrication de ce fromage d’alpage. Au printemps, le fromager se rend dans les montagnes pour faire paître ses vaches dans des alpages riches en fleurs et en herbes. Il passe les mois d’été avec sa famille dans une cabane de montagne pour fabriquer le fromage sur place. C’est un mode de vie qui se transmet de génération en génération et qui attire de plus en plus de jeunes. Le festival bisannuel Cheese Slow Food dans le Piémont attire également de plus en plus de visiteurs. En collaboration avec l’université gastronomique de Pollenza, une sélection de fromages fermiers au lait cru est présentée et, en 2023, une attention particulière fut accordée à l’importance des pâturages. Ils s’efforcent aussi de réintroduire les anciennes races de chèvres et de vaches et de faire connaître les fromages oubliés.

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Quel est votre fromage préféré ?

L’un de mes préférés est le Salers, fabriqué avec le lait très riche de la vache Salers, l’une des plus anciennes races de France et qui ne se laisse traire qu’en présence de son veau. En Auvergne, j’ai vu de mes propres yeux comment l’éleveur attachait le veau à la patte avant de la vache. On saupoudre alors de sel la tête du veau et la vache lèche affectueusement son petit.

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