Bourse et économie

Et pourtant, l’économie tourne !

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« Eppur si muove ! » La citation de Galilée – « Et pourtant, elle tourne ! » – à son procès au sujet de sa théorie selon laquelle la terre tourne autour du soleil s’applique parfaitement à l’économie mondiale actuelle. Elle continue de tourner, même si elle ralentit, permettant ainsi à l’inflation de rentrer progressivement dans les rangs.

Malgré l’absence de récession en vue pour l’instant, les marchés ont joué à se faire peur début août. Ils se sont toutefois repris aussi vite qu’ils avaient trébuché. L’inflation poursuivant son recul, les banquiers centraux, soulagés, peuvent se permettre d’amorcer une baisse des taux d’intérêt ou, à tout le moins, de l’annoncer.

L’économie tourne

L’économie mondiale garde le cap, avec une croissance attendue de 3 % en 2024 et 3,1 % en 2025, selon les analystes. L’Inde et la Chine représentent à elles seules 50 % de la croissance mondiale, tandis que les économies avancées devraient connaître une croissance plus limitée, de l’ordre de 1,6 % à 1,7 %.

Le resserrement monétaire sans précédent, opéré de manière synchronisée depuis 2022 par la plupart des grandes banques centrales, semble donc être un succès : il a permis de réduire l’explosion soudaine de l’inflation, tout en pilotant un atterrissage en douceur de l’économie mondiale (ou soft landing).

Les risques d’un atterrissage brutal (ou hard landing) ne sont toutefois pas complètement écartés. Deux risques majeurs sont identifiés :

  • Une persistance de l’inflation, qui forcerait les banquiers centraux à maintenir des taux élevés ;
  • Une amplification des conflits en Ukraine et au Moyen-Orient, avec l’augmentation des tensions entre l’Iran et Israël, entre autres.

Parmi les économies avancées, l’économie américaine va encore jouer le rôle de locomotive en 2024, avec une croissance attendue de 2,5 %, qui devrait se modérer (1,8 %) en 2025. Le consommateur américain reste le moteur de cette croissance, conforté par un taux d’emploi toujours élevé (même s’il montre des premiers signes d’affaiblissement) et un taux d’épargne très faible.

Parmi les économies avancées, l’économie américaine va encore jouer le rôle de locomotive en 2024.

Une éventuelle victoire des républicains aux élections présidentielles de novembre prochain – victoire moins assurée depuis la désignation de Kamala Harris comme candidate démocrate – serait à court terme sans doute favorable à l’économie américaine et défavorable au reste du monde, vu les mesures protectionnistes annoncées par ce parti. Par contre, une telle victoire relancerait l’inflation aux États-Unis, ce qui risquerait de fragiliser les marchés financiers. Le programme des démocrates est certes moins clivant, mais l’alourdissement de l’impôt des entreprises qu’ils prévoient pourrait également déplaire aux marchés actions.

En comparaison, l’économie de la zone euro fait pâle figure, avec une croissance attendue de 0,7 % en 2024, qui se raffermirait un peu en 2025 (1,4 %). Alors que la production industrielle et les exportations stagnent dans la zone euro, la croissance européenne s’appuie essentiellement sur les services, notamment grâce à la reprise du tourisme (et le retour en force des touristes chinois). L’Allemagne est le maillon faible, avec une économie en stagnation depuis 2023. Elle perd en compétitivité, en raison de la substitution d’une énergie russe bon marché par une énergie américaine très onéreuse. Le consommateur allemand étant frileux, l’Allemagne s'est tournée vers l’exportation, principalement en Chine, alors que celle-ci se transforme progressivement de client en un compétiteur agressif, notamment dans le secteur automobile électrique. À plus long terme, le sous-investissement public chronique en Allemagne et le vieillissement de sa population augurent mal de son avenir.

Dans les économies émergentes, l’Inde se distingue avec une croissance attendue de 7,8 % en 2024 et 7 % en 2025, contre 4,9 % et 4,5 % pour la Chine. La croissance chinoise, qui est sur une pente déclinante, s’est historiquement appuyée sur l’investissement dans trois secteurs : l’infrastructure, l’immobilier et la production industrielle. Ceci a conduit à des surinvestissements massifs, qu’illustre la crise massive et persistante dans l’immobilier. La part de la consommation dans le produit intérieur brut est en baisse constante, tandis que les exportations sont freinées par des mesures tarifaires aux États-Unis et progressivement aussi en Europe. La stratégie chinoise actuelle est de rediriger les investissements vers les technologies nouvelles, afin d’enrayer le déclin structurel de la croissance chinoise dû au vieillissement de la population locale.

La croissance chinoise s’essouffle

De Chinese groeimotor sputtert

Sources : FMI et Bloomberg

Les banques centrales relâchent la pression

Les banques centrales ont agi de manière puissante et synchronisée depuis 2022, afin de combattre la poussée brutale de l’inflation. Ce combat est couronné de succès, puisque l’inflation est en passe de revenir à l’objectif de 2 %.

Les banques centrales semblent gagner leur combat contre l’inflation.

Afin de ne pas mettre en péril la croissance économique, des premières baisses de taux sont intervenues progressivement depuis mars dernier, successivement en Suède, en Grande-Bretagne, dans la zone euro et au Canada. Les États-Unis devraient suivre en septembre prochain.

L’inflation baisse en Europe et aux États-Unis mais persiste au Japon

Inflatie raakt onder controle, Japan is buitenbeentje

Sources : US Bureau of Labour Statistics, Eurostat et Statistics Bureau of Japan

Le Japon, en revanche, doit faire face à une inflation inédite – après une déflation chronique depuis des décennies – et persistante. Même si elle paraît mesurée à nos yeux (2,8 %), elle dépasse toutefois l’objectif de 2 % depuis plus de 28 mois. En mars 2024, la Banque du Japon (BOJ) a mis fin à sa politique de taux négatifs en place depuis 2016. Et le 31 juillet, elle a porté son taux directeur à 0,25 %, en annonçant plusieurs autres hausses d’ici la fin de l’année. Cette annonce a fait l’effet d’une bombe, entraînant une hausse du Yen et une débâcle de sa bourse (-20 % !).

La perspective de hausses de taux au Japon a fait l’effet d’une bombe.

En effet, des taux plus élevés et un yen plus fort peuvent peser sur les exportations, la croissance et les opérations de carry trade – qui consiste à emprunter dans une devise à faible taux d’intérêt pour investir dans une devise avec des taux plus élevés. Heureusement, la BOJ a rapidement fait machine arrière, en annonçant le gel de son taux directeur au vu de la réaction des marchés.

Les marchés toujours au zénith

Au début du mois d’août, les marchés ont connu un bref épisode de correction provoqué d’une part, par le resserrement monétaire de la BOJ (comme expliqué ci-dessus) et d’autre part, par la hausse du chômage américain, faisant craindre une éventuelle récession. De nouvelles données macroéconomiques rassurantes aux États-Unis et l’annonce du gel des hausses de taux au Japon ont suffi à rassurer les marchés, qui ont pratiquement effacé toutes leurs pertes depuis.

Les marchés sont donc toujours bien dans le vert : les États-Unis sont largement en tête (S&P 500 +17,6 %), devant le Japon (Topix +11 %), la zone euro (Stoxx Europe 600 +10,5 %) et enfin, les marchés émergents (MSCI Emerging Markets +8,5 %). Ces marchés sont soutenus par une bonne perspective de croissance des bénéfices par action en 2024 et 2025. Les résultats des entreprises au 2e trimestre sont également meilleurs que prévu tant aux États-Unis qu’en Europe. Ils sont toutefois plus faibles sur le vieux continent où la croissance du chiffre d’affaires est moindre (1,8 % versus 4,8 % aux États-Unis) et celle des bénéfices est même négative (-14,4 % versus 9,4 %).

Évolution des principaux indices boursiers (en équivalent euro)

Evolutie van de belangrijkste beursindexen (in eurotermen)

Source : Solactive

Au niveau obligataire, les taux souverains à 10 ans évoluent favorablement : ils ont baissé de 4,4 % début juillet à 3,8 % aux États-Unis et de 2,6 % à 2,2 % en Europe (pour le bund allemand).

Le dollar US, qui était en hausse face à l’euro, est retombé légèrement en-dessous de son niveau de début d’année à 1,11 EUR. L’or enregistre une forte hausse (+19 %), tandis que le pétrole progresse de 2 % (Brent).

Perspectives

Le scénario macroéconomique le plus probable est celui d’un recul de l’inflation et d’un atterrissage doux de l’économie, permettant aux banquiers centraux de poursuivre leur assouplissement monétaire.

Ce scénario est favorable aux actions et aux obligations. Les risques liés à une possible persistance de l’inflation et aux événements géopolitiques – notamment les conflits en Ukraine et au Moyen-Orient ainsi que les élections américaines – pourraient amener une plus grande volatilité sur les marchés. Une attitude prudente reste de mise, surtout eu égard aux résultats appréciables déjà engrangés cette année.

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