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La philanthropie, plus qu’une question d’argent

  • 11 décembre 2023
Cet article complète un article de notre magazine Delen Inspired, volume 3.
Il y a un an, Brieuc  Van Damme était nommé CEO de la Fondation Roi Baudouin (FRB). Ses fonctions de président du Groupe du Vendredi et de directeur général du Service des soins de santé à l’Inami l’y avaient bien préparé. Mais l’homme a aussi été choisi pour sa vision progressiste.  

Son engagement pour un monde meilleur lui a été inculqué dès son plus jeune âge. Il a grandi en Afrique, où il a appris l’importance de la sécurité juridique et de la démocratie pour le développement de cette région.

Dans notre magazine Delen Inspired, Brieuc Van Damme partage sa vision sur l’avenir de la philanthropie, le développement durable et le smart money. Dans l'article ci-dessous, nous approfondissons d’autres sujets, comme la polarisation de la société.  

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La société a beaucoup changé ces dernières années en raison de la crise sanitaire, du changement climatique et de la crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine. Vous avez dès lors annoncé une nouvelle vision stratégique qui met l’accent sur la démocratie dans un contexte de polarisation croissante de la société. Comment voyez-vous cela concrètement ? 

Brieuc  Van Damme : Mes expériences dans le monde universitaire et dans l’administration publique me confortent dans l’idée que les meilleures solutions naissent du dialogue et de la collaboration. Réunir des personnes et les faire réfléchir ensemble à une question particulière crée une sorte d’intelligence collective.  

Mais aujourd’hui, nous assistons à une polarisation croissante de la société. Par conséquent, de moins en moins de personnes sont disposées à sortir de leur propre cadre de pensée idéologique et à s’ouvrir à d’autres raisonnements. Cela provoque non seulement un effritement du tissu social, mais crée aussi une impasse au niveau politique. C’est pourquoi je pense qu’il est important que la FRB mette en avant la promotion du débat public en tant qu’élément essentiel de la démocratie.  

Pour donner un exemple concret, un million de jeunes Belges se rendront aux urnes pour la première fois en 2024. S’ils ne savent pas comment fonctionne notre système politique et s’ils pensent que leur vote ne fera de toute façon aucune différence, je crains que la prochaine fois, ils ne veuillent plus prendre le temps de se rendre au bureau de vote. C'est pourquoi nous travaillons avec les médias, les écoles et les organisations de jeunesse pour mieux les informer.

Informer le public devient d’autant plus difficile à l’heure des réseaux sociaux, des « fake news » et des chambres d’écho (un phénomène selon lequel les individus ne s’entourent que de personnes partageant les mêmes idées et ne sont plus confrontés à d’autres opinions). Comment souhaitez-vous aborder ce problème ? 

Brieuc  Van Damme : Nous soutenons des études sur la consommation des médias afin de savoir comment orienter les gens vers d’autres sources d’information. Nous investissons également dans un journalisme d’investigation approfondi, car une démocratie saine a besoin d’un quatrième pouvoir qui joue le rôle de chien de garde et ne tombe pas dans le populisme. Par rapport à d’autres pays, nous avons heureusement encore des journaux de qualité, mais ils sont soumis à une pression commerciale, de sorte que la nuance cède de plus en plus la place à des titres sensationnels. Un changement général de mentalité est donc nécessaire. Si les consommateurs de médias cessent de se laisser séduire par les « pièges à clics » (des titres alléchants destinés à inciter les gens à cliquer, NDLR), les médias mettront en ligne des messages moins polarisants. À cet égard, chacun a donc une part de responsabilité.

Rendre la société moins polarisée est un défi face auquel chacun a une part de responsabilité.

— Brieuc Van Damme
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Votre parcours professionnel témoigne de votre dynamisme et de votre ambition, mais aussi d’une bonne dose d’idéalisme. Cet idéalisme vous a-t-il été transmis par vos parents ?  

Brieuc  Van Damme : Indéniablement ! Mon père voulait être missionnaire mais, heureusement, il a compris que le célibat n’était pas sa vocation et il est parti en Afrique avec sa famille. Là-bas, dès mon plus jeune âge, j’ai été confronté à l’injustice, à la corruption et aux traumatismes transmis de génération en génération. Cela peut paraître abstrait, mais c’est ainsi que j’ai appris, dès mon adolescence, l’importance de la sécurité juridique dans une démocratie. Certains pays africains ont un énorme potentiel, mais le passé continue d’hypothéquer leur avenir.   

En tant que jeune idéaliste, pourquoi avoir opté pour des études économiques ?  

Brieuc  Van Damme : C’est vrai que si vous souhaitez faire la différence au niveau politique, des orientations comme le droit ou les sciences politiques et sociales sont plus indiquées. Mais au final, j’ai choisi l’économie parce que, à mes yeux, ces études combinent le meilleur des deux mondes. Elles m’ont permis non seulement d’acquérir le bagage technique nécessaire pour analyser les problèmes sur la base de faits et de données, mais aussi d’élargir ma vision de l’homme et de la société grâce à des matières telles que la sociologie, la philosophie et l’anthropologie.    

Ce vaste domaine d’intérêt se retrouve-t-il également dans votre bibliothèque ? Ou y a-t-il un livre en particulier qui a eu un impact significatif sur votre façon de penser ? 

Brieuc  Van Damme : J’essaie de lire un livre chaque mois. J’ai récemment lu « Le mage du Kremlin », une sorte de roman autobiographique d’un conseiller en communication politique qui a été licencié et qui livre un portrait sidérant de Poutine. Ce livre m’a permis de comprendre que les Russes considèrent le pouvoir et la relation entre le bien et le mal d’une manière très différente. Une autre belle lecture fut celle de « Ma vie rebelle », la biographie d’Ayaan Hirsi Ali, qui a fui la Somalie et porte un autre regard sur notre société occidentale. Ce livre m’a véritablement ouvert les yeux, car pour comprendre les problèmes des réfugiés politiques ou des migrants, il faut aller au-delà des chiffres et se plonger dans leur histoire. 

D’ailleurs, au cours de mon année sabbatique, j’ai également rencontré personnellement des réfugiés politiques. La Norvège applique en effet un plan de répartition des primo-arrivants et certains se sont retrouvés dans la petite ville où ma femme et moi habitions. Ils ont eu la possibilité de se construire une nouvelle vie, mais à quelques centaines de kilomètres seulement au-dessus du cercle polaire arctique où, deux mois par an, il fait nuit sans interruption. Le contraste avec leur terre d’origine, l’Afrique, ne pouvait être plus grand. Pour favoriser leur intégration, ils ont dû suivre des cours de langue. Et je me suis justement retrouvé sur les bancs de l’école avec eux. J’étais le seul Occidental. Au début, ils se demandaient ce que je faisais là, mais au fil de l’année, ils ont commencé à me traiter comme l’un des leurs. Ils m’ont raconté l’horreur qu’ils avaient vécue dans leur pays d’origine, les épreuves qu’ils avaient traversées lors de leur fuite vers l’Occident et les défis auxquels ils étaient confrontés dans leur nouveau pays. 

Lorsqu’on entend ces histoires poignantes de leur bouche, on comprend à quel point il est difficile pour eux de trouver une place dans une société qui traite souvent les réfugiés avec des préjugés. Cela dit, je ne veux pas fermer les yeux sur les problèmes ou minimiser les nuisances dans certains quartiers de Bruxelles, mais si nous voulons mettre fin à la polarisation, les deux parties doivent s’écouter l’une l’autre. Ce n’est qu’ainsi que l’on pourra parvenir à une compréhension mutuelle.   

 

Envie de lire un autre article ? Consultez la page dédiée à la 3e édition d'Inspired. 

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