L’achat d’une habitation en couple
- 23 mai 2024
L’achat d’une habitation est une étape importante pour la plupart des couples. Dans de nombreux cas, cette habitation servira de domicile familial et constituera ainsi le principal bien du patrimoine. Bien entendu, il n'est pas indispensable d'être marié pour procéder à une telle acquisition. Toutefois, si vous n'êtes pas marié(e), certains éléments doivent absolument retenir votre attention. Nous vous avons listé les plus importants.
Toute personne qui décide d’acheter un bien immobilier avec son partenaire doit tenir compte d’une série d’éléments. Tout d’abord, les acheteurs ne sont pas obligés d’acheter chacun la moitié du bien (autrement dit, selon une répartition 50/50). D’autres rapports de propriété sont également possibles. Mais comment régler cette inégalité des apports ? Qui doit financer les travaux de rénovation et d’aménagement ? Que se passe-t-il si, quelques années plus tard, votre relation tourne au vinaigre ou votre partenaire décède ? S'agissant des couples mariés, la loi règle automatiquement certaines de ces questions. Quant aux couples non mariés, ils ont intérêt à prendre eux-mêmes certaines précautions. Pour ce faire, ils peuvent notamment coucher certaines choses sur papier.
Il est conseillé d’indiquer explicitement le rapport de propriété dans l’acte d’achat.
L’achat de l’habitation
Que vous soyez marié(e) ou non, la procédure d’achat d’une habitation est identique : vous vous rendez chez le notaire pour établir l’acte de propriété.
Il est alors conseillé d’indiquer explicitement le rapport de propriété1 dans l’acte d’achat. À défaut, vous êtes tous deux présumés acheter le bien à parts égales (50/50) et en indivision. Si l’un des acheteurs souhaite un rapport de propriété différent, par exemple parce qu’il a contribué davantage, il doit mentionner explicitement cette différence de rapport (par exemple, 60/40) dans l’acte d’achat.
Ce rapport de propriété est important, car il détermine dans quelle mesure vous êtes censé(e) contribuer aux coûts de rénovation ou d’aménagement du bien. Si vous ne souhaitez pas effectuer des décomptes en permanence, vous avez donc tout intérêt à opter pour un achat à parts égales.
Néanmoins, pour acheter un bien « à parts égales », les deux partenaires doivent disposer des mêmes capacités financières, ce qui n’est pas toujours le cas. Si votre partenaire ne dispose pas de fonds propres suffisants pour payer sa part du prix d’achat ou des travaux de rénovation, vous pouvez l’« aider financièrement »2. Contrairement aux époux mariés sous un régime de communauté de biens, la loi ne prévoit, ni pour les partenaires non mariés ni pour les époux mariés sous un régime de séparation de biens, un système d’indemnisation des créances que les partenaires ont l’un envers l’autre. Tout litige relèvera dès lors des règles de droit commun, en vertu desquelles toute personne qui réclame une indemnisation doit en apporter la preuve et fournir les pièces justificatives nécessaires. Ainsi, vous pouvez accorder un prêt à votre partenaire ou lui demander d’établir une reconnaissance de dette si vous lui avancez de l’argent pour l’achat du bien ou des travaux d’aménagement. Mettez toutefois cet accord par écrit et prévoyez explicitement que cet argent devra être remboursé si votre relation prend fin. En outre, conservez toutes les pièces justificatives telles que les factures, les extraits de compte, etc. Si ce n’est pas possible, vous pouvez essayer d’invoquer l’enrichissement sans cause. L'application de ce principe juridique suppose un enrichissement de votre partenaire d’une part et votre appauvrissement d’autre part, un lien clair entre l’enrichissement et l’appauvrissement, mais aussi l’absence d’une cause valable ainsi que l’absence de toute autre base juridique. Ce n’est pas chose aisée lorsque l’entente est au beau fixe, mais vous avez tout intérêt à conclure des accords clairs. Sinon, en cas de rupture, votre partenaire peut prétendre qu’il n’a jamais été question de prêt ni d’enrichissement sans cause, mais plutôt d’une donation, qui est en principe irrévocable entre partenaires non mariés3. Mais étant donné qu’une donation n’est jamais présumée, qu'elle implique la volonté du donateur de s’appauvrir définitivement et irrévocablement en faveur du donataire et que ce dernier doit accepter la donation, celle-ci sera difficile à prouver si aucun acte de donation n’a été établi. En effet, il est difficile de connaître les motivations réelles des parties si rien n’a été couché sur le papier.
En revanche, si vous êtes marié(e) au moment de l’achat, vous devez tenir compte des dispositions de votre contrat de mariage. Selon le régime légal4, le logement familial appartient en principe au patrimoine commun s'il a été acheté pendant le mariage. Si, en revanche, vous êtes marié(e) sous le régime de la séparation de biens, le rapport de propriété sera alors indiqué dans l’acte de propriété, comme pour les couples non mariés. Chacun de vous peut acheter le bien seul, mais vous pouvez également acheter le bien avec votre partenaire en indivision (à parts égales ou non).
[2] Un prêt hypothécaire ou une procuration auprès d’une institution financière est également possible.
[3]Seules les donations entre époux effectuées en dehors du contrat de mariage sont révocables à tout moment.
[4]Par exemple, parce que vous n’avez pas conclu de contrat de mariage avant de vous marier.
Vous construisez sur le terrain de votre partenaire : faites attention !
Si vous voulez construire ensemble sur un terrain qui appartient à l’un ou à l’autre, faites attention ! En vertu du droit d’accession, l’habitation devient automatiquement la propriété du propriétaire du terrain. Cela signifie que si votre partenaire est propriétaire d’un terrain à bâtir et que vous construisez une habitation sur ce terrain avec vos propres fonds, ce bâtiment (et toutes les autres constructions) deviendra automatiquement la propriété de votre partenaire. Lorsque vous construisez ensemble une maison sur ce terrain, ce bien devient aussi la propriété exclusive de votre partenaire. Pour éviter les discussions ultérieures, il est préférable de mettre les choses par écrit. Le propriétaire du terrain peut par exemple renoncer au droit d’accession par l’intermédiaire du notaire.
En revanche, si vous êtes mariés et que vous décidez de construire une habitation sur un terrain qui fait partie du patrimoine propre5 de l’un des époux, vous pouvez apporter ce terrain à bâtir au patrimoine commun6 ou à un patrimoine commun interne ajouté (PCIA)7. Un tel apport suppose une modification du contrat de mariage et nécessite l’intervention d’un notaire. Vous pouvez alors inclure dans le même acte (notarié) une clause de choix qui, lors de la dissolution du mariage, prévoit une option distincte pour l’attribution de l’habitation construite. Nous avons déjà exposé les avantages de la clause de choix dans notre article précédent : « La clause de choix : comment protéger mon conjoint au maximum ? » (delen.bank).
[5]C’est le cas, par exemple, si l’un de vous deux a acheté ce terrain avant le mariage ou a reçu ce terrain pendant le mariage à la suite d’un héritage ou d’une donation.
[6]Si vous êtes marié(e) sans contrat de mariage ou sous le régime de la communauté de biens. [7]Si vous êtes marié(e) sous le régime de la séparation de biens.
Anticiper un mariage
Si vous êtes un couple non marié et que vous achetez une habitation aujourd’hui, vous pouvez inclure dans l’acte d’achat une « déclaration d’apport anticipé ». Si, plus tard, vous faites le grand saut et vous vous mariez sous le régime légal8, l’habitation que vous avez achetée (et, sauf accord contraire, le prêt y relatif) sera automatiquement transférée sans frais9 à votre patrimoine commun. Pour cela, il est requis que vous achetiez tous les deux la moitié du bien en pleine propriété, c’est-à-dire 50 % chacun en indivision. Ainsi, cet apport anticipé n’est pas possible si le rapport de propriété est, par exemple, de 60/40 ou si vous achetez la nue-propriété et que votre partenaire achète l’usufruit.
[9]En revanche, si vous souhaitez régler d’autres questions dans votre contrat de mariage (par exemple, y inclure une clause de choix), vous devrez toujours faire rédiger un contrat de mariage.
Qui garde l’habitation en cas de séparation ?
Si votre relation prend fin, vous pouvez vendre l’habitation à un tiers et partager le prix obtenu entre vous deux en fonction du rapport de propriété. L’un d’entre vous a également la possibilité de « racheter » la part de l’autre pour un prix convenu d’un commun accord. Dans ce cas, vous devez également tenir compte du droit de partage (parfois appelé « taxe de la misère »). Si le bien est situé en Région flamande, le partenaire qui récupère le bien à la suite de cette sortie d'indivision devra s'acquitter d'un droit de partage de 2,5 % calculé sur la valeur totale du bien (au lieu du droit de vente classique de 12 %). Ce taux est ramené à 1 % pour les partages entre ex-époux qui interviennent après un divorce ou qui en découlent, et pour les partages entre ex-cohabitants légaux dans une période de 3 ans suivant la cessation de la cohabitation légale, à condition qu’au jour de cette cessation, ces personnes aient cohabité légalement l’une avec l’autre de manière continue pendant au moins un an. Si le bien est situé en Région de Bruxelles-Capitale ou en Région wallonne, le droit de partage s’élève à 1 % de la valeur totale du bien en cas de sortie d'indivision (au lieu du droit de vente classique de 12,5 %).
Contrairement aux couples mariés, les partenaires non mariés, qu’ils soient cohabitants de fait ou cohabitants légaux10, ne peuvent pas bénéficier de l’« acquisition préférentielle » sur le logement familial. Ainsi, si l’un des deux partenaires souhaite continuer à vivre dans le bien qu’ils ont acheté ensemble11, mais que l’autre partenaire n’est pas d’accord, il n’a aucun droit de continuer à y vivre. Si vous souhaitez qu’il en soit autrement et que vous puissiez racheter la part de votre partenaire en cas de rupture, il est préférable de le préciser explicitement dans un accord écrit, tel qu’un contrat de cohabitation.
[11]Si le logement est la propriété exclusive de l’un des partenaires, l’autre ne peut de toute façon rien réclamer sur le logement.
Que se passe-t-il en cas de décès du conjoint ?
Naturellement, vous vous demandez également ce qu’il adviendra de l’habitation en cas de décès de l’un d’entre vous. Le conjoint survivant bénéficie-t-il d’une protection sur son logement ou doit-il prendre en compte les autres membres de la famille qui, à la suite du décès du prémourant, deviennent copropriétaires de l’habitation ? Nous avons déjà répondu largement à cette question dans nos précédents articles : « Cohabitation et droit successoral — À quoi votre cohabitant a-t-il droit ? » (delen.bank) et « Droits de donation et de succession — guide pour les cohabitants » (delen.bank).
Pour éviter tout malentendu, nous rappelons que les couples non mariés qui sont cohabitants de fait ne bénéficient pas de la moindre protection sur leur logement. En effet, le droit successoral légal ne prévoit pas de transmission automatique entre les cohabitants de fait. Si le partenaire avec lequel vous cohabitez de fait décède, son héritage — et donc sa part dans l’habitation — passe automatiquement en pleine propriété à ses enfants12 (le cas échéant) ou à sa famille. Il s’agit d’une situation très précaire, car si vous ne vous entendez pas bien avec ses héritiers, vous risquez de devoir déménager.
[12]Si vos enfants sont mineurs, vous devez obtenir l’autorisation du juge de paix pour vendre cette habitation.
Les couples mariés peuvent inclure dans leur contrat de mariage des mesures de protection supplémentaires relatives au logement familial.
Prévoir une protection supplémentaire
Si vous souhaitez léguer votre part de l’habitation à votre partenaire, vous devez prendre des mesures vous-même. Plusieurs options s’offrent à vous.
Testament
Vous pouvez évidemment léguer votre part de l’habitation à votre partenaire par testament. Dans ce cas, vous devez tenir compte de la part réservataire de vos enfants, car ils ont toujours droit, ensemble, à la moitié de ce que l’on appelle la masse de calcul13.
Clause d’accroissement
Vous pouvez inclure dans l’acte d’achat une clause d’accroissement par laquelle vous convenez que la part du prémourant va « accroître » automatiquement en pleine propriété ou en usufruit la part du partenaire survivant. La clause d’accroissement est un contrat aléatoire et n’est possible que si vous achetez tous deux la moitié du bien et que vous avez tous deux une espérance de vie similaire.
Le principal avantage de la clause d’accroissement est qu’à espérance de vie égale et apports égaux, elle met hors-jeu le droit successoral et est même à l’abri de la réserve, puisqu'elle empêche les enfants de réclamer leur part réservataire. En revanche, la clause d’accroissement peut s’avérer coûteuse. Au décès du prémourant, aucun droit de succession n’est certes dû dans le chef du conjoint survivant, mais ce dernier ne pourra bénéficier de l’exonération des droits de succession sur le logement familial. En effet, il devra s'acquitter de droits d’enregistrement applicables à la vente d’un bien immobilier. L’opportunité d’une clause d’accroissement doit donc être évaluée au cas par cas.
Cohabitation légale
Vous avez également la possibilité de faire une déclaration de cohabitation légale devant l’officier de l’état civil. Le cohabitant légal survivant hérite alors automatiquement de l’usufruit sur le bien immobilier qui servait de domicile commun lors de l’ouverture de la succession du prémourant ainsi que sur les meubles meublants. Le partenaire survivant peut alors continuer à vivre14 dans le logement familial jusqu’à son décès (ou le louer et percevoir les loyers) et peut également continuer à utiliser le mobilier qui s’y trouve. La loi ne prévoit pas de droits successoraux sur le patrimoine mobilier du prémourant, à l'exception des meubles meublants. Attention : les cohabitants légaux ne peuvent pas bénéficier d’un droit successoral garanti. En effet, le prémourant peut priver son partenaire de l’usufruit sur le logement familial et son contenu dans un testament ou par le biais de donations.
Mariage
Vous pouvez, bien sûr, vous marier. Le conjoint survivant devient alors un héritier légal et ce dernier jouit automatiquement de l’usufruit non seulement sur le logement familial et son mobilier, mais aussi sur l’ensemble de l’héritage du prémourant. En outre, il s’agit d’un droit de succession légalement garanti, car l’usufruit sur le logement familial et son mobilier ne peut en principe pas être retiré au conjoint survivant.
Comme indiqué précédemment, les couples mariés peuvent inclure dans leur contrat de mariage des mesures de protection supplémentaires relatives au logement familial. Ils peuvent par exemple prévoir explicitement dans une clause de choix que le conjoint survivant pourra choisir d’obtenir tout ou partie du logement familial en pleine propriété, en usufruit ou en nue-propriété.
[14]Par exemple, parce que vous n’avez pas conclu de contrat de mariage avant de vous marier.
Conclusion
Si vous souhaitez acheter une habitation avec votre partenaire, ne prenez pas les choses à la légère, surtout si vous envisagez d’en faire votre logement familial. Pour la plupart des couples, cette habitation constitue souvent l’essentiel de leur patrimoine. Par conséquent, si vous n’êtes pas marié(e), vous avez tout intérêt à établir clairement par écrit le rapport de propriété pour vous protéger mutuellement et éviter d’éventuels litiges ultérieurs. Dans cet article, nous avons soulevé quelques points d’attention et tenté d’y apporter des solutions. Mais une fois de plus, le proverbe « les bons comptes font les bons amis » prévaut.
Nous nous ferons un plaisir d’examiner avec vous les différentes possibilités. Vous avez des questions ou vous souhaitez obtenir de plus amples informations ? N’hésitez pas à prendre contact avec votre chargé(e) de relation.
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