L'art sous toutes ses formes
- 19 août 2024
- Inspired
Qu’est-ce qui vous a poussé à créer Zaventem Ateliers ?
Je suis issu d’une famille spécialisée dans le recouvrement de meubles depuis six générations. L’atelier de notre entreprise familiale était mon terrain de jeu et, inconsciemment, ce souvenir d’enfance a dû m’inspirer. Pas tant par nostalgie que par amour du métier. D’où mon rêve de réunir les talents locaux sous un même toit, dans cette ancienne papeterie. Mais tout en préservant l’identité et l’autonomie de chacun. Le dénominateur commun est le collectible design et il doit le rester au sens le plus pur du terme.
Comment définissez-vous le collectible design justement ?
Comme un mouvement artistique apparu il y a une dizaine d’années lorsque des designers créatifs ont commencé à fabriquer des pièces de mobilier uniques. Ces éditions extrêmement limitées ont trouvé leur place dans les galeries d’art, dont certaines ont commencé à se spécialiser dans le design contemporain. Il s’agissait de répondre à la demande des collectionneurs d’art qui ne s’intéressaient pas qu’à l’art à accrocher au mur. Le collectible design, ou design de collection, est ainsi devenu une forme d’art fonctionnel qui s’inscrit dans un mode de vie durable, comme une prise de position contre la surproduction de meubles et un plaidoyer en faveur de l’artisanat et de la production locale. En ce sens, on pourrait même qualifier de déclaration de guerre la conception de l’hôtel Mix dans les anciens bureaux de la Royale Belge. Pour meubler 25 000 mètres carrés avec des objets de collection, j’ai fait appel à des designers locaux afin de prouver qu’un projet de grande envergure pouvait également être réalisé de manière durable. En faisant la part belle à la créativité et à l’artisanat local, nous veillons également à ce que notre riche tradition artisanale ne se perde pas.
Vous plaidez pour un ancrage local, mais de plus en plus de designers de Zaventem Ateliers font fureur à l’étranger. N’est-ce pas contradictoire ?
Évidemment, il y a une certaine contradiction. Nous participons à des expositions internationales parce que le marché belge est trop petit pour le segment le plus élevé du collectible design. Et en effet, le prix de ces objets est élevé, ce qui réduit le public cible à une niche fortunée. Nous sommes donc bien obligés d’élargir notre champ d’action.
Vous parlez de segments et de groupes cibles. Ne s’agit-il pas là d’un vocabulaire d’entrepreneur ?
L’image de l’artiste maudit qui mène une existence solitaire dans une cave souterraine est dépassée. Avec Zaventem Ateliers, j’ai voulu prouver que l’on pouvait voir et faire les choses autrement. Certes, sans trop penser en termes de chiffre d’affaires ou d’enrichissement financier pour autant. Le business plan de Zaventem Ateliers n’était guère plus que quelques gribouillis sur un sous-bock. Tout le monde a dit que j’étais fou, mais quelques autres passionnés comme moi étaient prêts à me suivre dans l’aventure et le projet a été très vite rentable. Parce que Zaventem Ateliers est plus qu’un lieu.
Zaventem Ateliers accueille un mélange éclectique d’artistes, de designers et de scénographes, qu’il s’agisse de talents émergents ou d’artistes établis. Quel est le fil conducteur qui les relie ? Les sélectionnez-vous uniquement sur la base de votre intuition ?
Je veux voir le feu sacré brûler. Quelqu’un qui ne cherche qu’une salle d’exposition pour surfer sur la vague du succès n’aura aucune chance. L’idée est que les artistes viennent ici pour travailler, faire du bruit, donner vie au lieu. Je n’ai aucun intérêt à louer un espace si l’atelier reste vide. Zaventem Ateliers est un atelier où des personnes qui partagent la même vision se renforcent et s’inspirent mutuellement. C’est très important pour moi. Peut-être qu’un jour nous rédigerons une charte, mais aujourd’hui je me laisse surtout guider par l’énergie que dégage une personne. Pour vivre dans une grande promiscuité avec quelqu’un, il vaut mieux bien s’entendre, non ? Ici, tout le monde peut venir 24 heures sur 24. L’idée n’est pas d’offrir une résidence permanente, mais pendant les périodes intenses, les artistes peuvent y dormir, cuisiner et se doucher. Vladimir Slavov, par exemple, a déjà travaillé jusqu’au bout de la nuit pour préparer une exposition internationale.
Les œuvres de Vladimir Slavov et d’Arno Declercq ont également été exposées au stand de Delen Private Bank à la Brafa. En quoi une telle exposition est-elle importante ?
J’y vois une confirmation de l’excellence à laquelle nous aspirons. Mais je répète que nous voulons aussi donner des opportunités aux artistes émergents. Nous recherchons des profils très différents dans des domaines très variés. Ce mélange fait de Zaventem Ateliers un atelier innovant, qui attire les amateurs d’art. Il ne faut pas non plus sous-estimer l’importance du mécénat. Non seulement pour conserver le savoir-faire dans notre pays, mais aussi pour répondre à la numérisation croissante et à l’essor de l’IA. Sans l’art et l’artisanat, l’humanité se perdra dans un monde virtuel. Depuis la nuit des temps, l’Homme fabrique des objets. À un moment donné, quelqu’un a fabriqué une chaise et une table pour qu’on n’ait plus à manger par terre. Si nous ne contrebalançons pas l’IA, nous vivrons très bientôt dans une boîte blanche virtuelle et finirons par oublier ce qui nous distingue en tant qu’êtres humains. Les générations futures ne sauront plus ce que signifie boire dans une tasse fabriquée par un humain. Tout objet fabriqué par la main de l’Homme a une âme. Tout est une question d’énergie.