
L'imprévisibilité de Trump trouble les marchés
- 12 mars 2025
Au cours des dernières semaines, les marchés financiers ont pris un virage à 180 degrés. La suprématie des actions américaines semble soudainement révolue, en faveur de l'Europe et, dans une moindre mesure, de la Chine. Que se cache-t-il dans ce revirement soudain ?
Les politiques de Trump suscitent des inquiétudes sur la croissance américaine
Les bourses américaines vivent des moments difficiles. Depuis leur sommet de février, les actions américaines (S&P 500) ont perdu 9 % de leur valeur, et même près de 14 % en équivalent euro. Les grandes actions technologiques ont été les plus touchées, mais les banques ont également souffert. Parallèlement, le VIX, appelé aussi baromètre de la peur, a grimpé en flèche.
Cette volatilité croissante provient principalement des incertitudes concernant la croissance économique, une conséquence de la politique commerciale changeante de Donald Trump, président des États-Unis. Une augmentation des taxes sur les importations peut peser sur les marges bénéficiaires et sur la confiance des des entreprises, reportant ainsi les investissements. Ces droits de douane peuvent également compliquer la lutte contre l'inflation, en empêchant la banque centrale de baisser davantage ses taux directeurs. Si vous souhaitez en savoir plus sur ces taxes sur les importations, lisez notre article sur le sujet.
Mais aussi problématiques que soient ces tarifs douaniers, c'est surtout l'imprévisibilité de la politique de Trump qui interroge. Ces tarifs vont-ils réellement être appliqués ou non ? Qui sera touché et qui sera exempté ? Trump changera-t-il encore d'avis ? Pour les entreprises, il est impossible d’anticiper sans avoir davantage de certitudes sur le sujet.
Et ce n'est pas tout. En plus de sa politique commerciale floue, Trump veut réorganiser le gouvernement américain. Le Department of Government Efficiency (DOGE) a déjà annoncé de nombreux licenciements, ce qui n'améliore nullement la confiance des consommateurs. En outre, sa politique anti-migration prive également le marché du travail de précieux travailleurs.
Actuellement, il est donc difficile de prédire les dommages économiques de ces politiques. Les analystes s'attendent surtout à un impact négatif à court terme de la politique commerciale (premier trimestre 2025), car les entreprises amassent des stocks afin d’anticiper ces tarifs. Ce phénomène temporaire est ironiquement appelé Trumpcession. À plus long terme, l’effet devrait s'estomper progressivement : le FMI estime qu'une augmentation de 10 % des droits de douane américains pourrait freiner la croissance économique américaine de moitié, passant de 2 % à 1 %. Au niveau mondial, la croissance ralentirait de 0,5 %.
Selon certains oiseaux de mauvais augure, cette guerre commerciale naissante sonne potentiellement le glas de la mondialisation. Cela semble toutefois prématuré. Car au cours des dernières années, notamment lors de la pandémie de covid-19 et la guerre entre la Russie et l’Ukraine, on a prédit à plusieurs reprises la fin imminente de la mondialisation. Or les chiffres du commerce mondial contredisent cette théorie.
Les incertitudes quant à la politique commerciale de Trump poussent les investisseurs à prendre des bénéfices sur leurs positions américaines, qui ont bien performé pendant ces dernières années. Car l'incertitude et l'imprévisibilité sont les ennemis des marchés.
Le retour de l'Europe
Alors que les inquiétudes concernant la croissance économique augmentent aux États-Unis, l'Europe, longtemps invisible sur la scène économique mondiale, semble avoir trouvé un second souffle. En effet, ces dernières semaines, le volte-face de Donald Trump quant à l’Ukraine a fait naître une cruelle évidence : l'Europe doit d'urgence renforcer sa défense pour pouvoir faire face à d'éventuelles menaces à ses frontières.
L'Allemagne, traditionnellement très prudente dans sa politique budgétaire, envisage une augmentation substantielle de ses dépenses en matière de défense et d'infrastructure (jusqu'à 500 milliards d'euros), même si cela signifie que le pays dépassera les limites d'endettement. La Commission européenne, de son côté, prévoit de mettre en place un programme de financement des dépenses de défense à hauteur de 150 milliards.
Les marchés financiers ont réagi avec enthousiasme à cette nouvelle, car de tels programmes pourraient stimuler l’économie. Pour les investisseurs, c'était l’occasion de se tourner vers les actions européennes, dont la valorisation était plus attractive (souvent à juste titre) que celle de leurs homologues américaines. L'espoir de paix en Ukraine et la fin (provisoire) des tensions politiques en France et en Allemagne ont également incité les investisseurs à revenir sur les bourses européennes.
Ce récent enthousiasme par rapport à l’Europe est compréhensible. Mais la prudence est mère de sûreté et la précipitation n’est jamais bonne conseillère. Lors de l’annonce du plan ReArm en Europe, les taux d’intérêt de la zone euro ont fortement monté, ce qui pourrait à long terme entraver la croissance européenne. Aussi, il reste à voir si ces budgets importants seront approuvés par les parlements et si ces programmes ambitieux seront transformés en investissements concrets, afin qu'ils puissent se répercuter sur l'ensemble de l'économie.
Conclusion
Le statut des États-Unis en tant que superpuissance économique ne semble plus aussi évident pour tous. Ces derniers jours, les actions américaines, autrefois encensées, ont perdu du terrain, alors que les marchés européens, qui semblaient moins intéressants, sont encore en positif depuis le début de l’année. Les politiques changeantes de Donald Trump génèrent en effet de l’incertitude quant aux perspectives de croissance aux États-Unis. De son côté, l’Europe, qui se sent de plus en plus isolée au sein de l'OTAN, prévoit d'augmenter ses dépenses dans la défense, ce qui a soutenu les marchés.
Dans ce contexte de volatilité accrue, nous maintenons notre vision à long terme : les entreprises américaines restent intéressantes vu leurs perspectives de croissance et de bénéfices plus élevées, leur capacité d'innovation et leur leadership dans nos principaux thèmes d'investissement.
Par ailleurs, nous conservons notre stratégie éprouvée, consistant à ajuster prudemment et progressivement les portefeuilles, plutôt qu'à changer radicalement de cap. Cette approche nous permet de prendre le temps d'analyser en profondeur l'impact des développements complexes qui se succèdent rapidement, d'exclure les décisions émotionnelles et de réagir avec flexibilité aux nouvelles perspectives.