Jusqu’où l’œil perçant du fisc porte-t-il ?
- 21 décembre 2021
- Juridique
Voici un aperçu (non exhaustif) des principaux développements survenus aux niveaux international, européen et national concernant les obligations de déclaration supplémentaires et l’échange accru d’informations, pour les personnes physiques et morales.
Le secret bancaire disparaît doucement
En ce qui concerne la confidentialité du patrimoine, il est important d’établir une distinction entre patrimoine mobilier et immobilier. Pour l’immobilier, il existe en Belgique un cadastre qui inventorie tous les biens immobiliers se trouvant sur le territoire belge. Pour les biens mobiliers par contre, il n’existe pas encore de cadastre du patrimoine. Aux Pays-Bas par contre, un cadastre de ce type existe : l’administration fiscale peut ainsi suivre l’évolution du patrimoine sur les comptes. Cependant, la discrétion entourant le patrimoine mobilier commence également à s’effriter de plus en plus en Belgique. Comme expliqué plus loin dans cet article, c’est particulièrement (mais pas exclusivement) le cas pour des situations impliquant des comptes étrangers ou des constructions. Sur le plan purement national également, le fisc dispose de moyens qui lui permettent d’avoir un aperçu plus clair de votre patrimoine.
Une vue sur les intérêts des comptes à l’étranger
Les banquiers sont depuis toujours tenus par un devoir de discrétion. C’est en 1980 que ce « secret bancaire » a été inscrit dans le Code des impôts sur les revenus belges. Même si le secret bancaire n’a jamais été absolu, les situations dans lesquelles il peut être levé ont été fortement étendues au fil des ans. Les secrets bancaires luxembourgeois et suisse, réputés pour leur solidité, n’existent également plus sous leur forme traditionnelle.
L’entrée en vigueur de la directive européenne sur la fiscalité de l’épargne en 2005 marque le début d’une plus grande transparence au niveau international. Cette directive oblige les États membres européens à transmettre des informations concernant les intérêts que les personnes physiques perçoivent de l’étranger. C’était la première forme d’échange de données organisé et automatique entre États membres. La directive européenne de coopération administrative a accentué cette tendance : elle prévoit un échange de données automatique pour certaines catégories de revenus et de patrimoine. Depuis son entrée en vigueur, elle a subi plusieurs modifications et extensions et réglemente aujourd’hui notamment l’échange d’informations concernant les comptes en banque dans le cadre du CRS (voir plus loin).
L’extension à d’autres revenus et soldes
Sous l’impulsion de la législation FATCA instaurée par les États-Unis (en 2010), une nouvelle étape importante a été franchie dans le domaine de la transparence, cette fois pour les comptes étrangers. Un Common Reporting Standard (CRS) a été mis au point par l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). C’est le standard qui régule l’échange d’informations sur les comptes bancaires entre les pays. Cet échange est intervenu pour la première fois en 2017 pour l’année de revenus 2016.
Les données échangées concernent notamment le solde du compte, les revenus mobiliers perçus et le produit de la vente de titres. Depuis le lancement du CRS, de plus en plus de pays se sont engagés à y participer. Ils sont aujourd’hui un peu plus de cent. Depuis 2018, des pays comme la Suisse, l’Australie, la Chine et même le Panama échangent des données sur les comptes bancaires. Il est évident que le CRS a contribué à la disparition du secret bancaire au niveau international.
Une base de données pour les comptes nationaux et internationaux
Au niveau national, le législateur n’est pas en reste. En 2011, la Banque Nationale de Belgique a créé un point de contact central pour les comptes et contrats financiers (PCC). Il a obligé d’une part les institutions bancaires belges à transmettre les numéros de compte de leurs clients au PCC. D’autre part, il a obligé les particuliers à également transmettre une foule d’informations sur les comptes étrangers au PCC. Il s’agit notamment des numéros de compte, du pays dans lequel le compte a été ouvert et de la dénomination de l’établissement financier concerné.
Initialement, la constitution de cette base de données avait uniquement pour but de simplifier les enquêtes du fisc auprès des banques. Depuis lors, le nombre de personnes habilitées à consulter l'information et celui des agents déclarants ont été étendus, tout comme la nature des données à communiquer. En 2016 par exemple, il a été décidé que le Ministère public, la cellule antiblanchiment, les juges d’instruction, les juges de police, voire les notaires pouvaient également obtenir des renseignements auprès du PCC, sur la base toutefois d’une requête spécifique et motivée.
Pour améliorer l’efficacité dans la lutte contre la fraude fiscale, un nouveau cadre légal a été introduit en juillet 2018. Ce dernier prévoit que les entreprises d’assurance seront désormais aussi redevables d’informations. En outre, la déclaration sera à l’avenir étendue et gagnera en fréquence. À ce stade, une chose ne change toutefois pas : le PCC ne donne aucune information sur les avoirs ou revenus sur le compte. Une certaine discrétion reste donc de mise au niveau national.
Les constructions étrangères et leurs bénéficiaires dans le viseur
Le fisc voulait toutefois disposer d’un aperçu du patrimoine des contribuables qui se sont tournés vers des constructions juridiques à l’étranger, assorties d’une faible pression fiscale (les trusts, sociétés offshore et autres fondations étrangères).
La taxe Caïman
Depuis l’exercice d’imposition 2014, de telles constructions font également l’objet d’une obligation de déclaration. Celle-ci est à son tour à la base de l’introduction de la taxe Caïman, qui s’applique aux revenus obtenus ou attribués à partir du 1er janvier 2015. La taxe Caïman est à l’origine une taxation en transparence, mécanisme par lequel le fondateur ou le bénéficiaire économique est taxé sur les revenus de la construction juridique, comme s’il les avait perçus directement.
Depuis lors, une foule de changements législatifs ont été apportés à cette réglementation (par ailleurs très complexe) pour combler au maximum ses failles. Le dernier changement est entré en vigueur le 1er janvier 2018. Sans entrer dans les détails, il entraîne que diverses entités relèvent pour la première fois de la taxe Caïman. Il peut notamment être argumenté que la STAK néerlandaise (Stichting Administratiekantoor) soit dans certains cas qualifiée de construction juridique, à l’instar de toutes les autres structures situées dans l’Espace économique européen qui ne sont pas soumises à l’impôt des sociétés ou à un faible impôt des sociétés (c’est-à-dire de moins de 1 %) dans leur pays. Les Soparfi luxembourgeoises pourraient potentiellement entrer dans cette ligne de mire. Il est désormais clair que les organismes de placement collectif (comme la SICAV-SIF luxembourgeoise) peuvent relever de la taxe Caïman, dans la mesure où ils sont exclusivement entre les mains d’une seule personne ou de personnes liées. La société civile immobilière (SCI) française n’est en revanche pas visée.
« Divers scandales ont créé une vaste mobilisation en faveur d’une plus grande transparence fiscale. »
Modification de la directive de coopération administrative
En marge de la taxe Caïman, la directive de coopération administrative a également été récemment modifiée. La modification a trait à la notification obligatoire de « constructions transfrontalières ». Tant les intermédiaires (comme les bureaux de consultance, les avocats et les établissements financiers) que les contribuables concernés peuvent depuis peu être tenus de signaler au fisc les constructions fiscales qui répondent à certaines caractéristiques. Le fisc espère ainsi ne plus devoir courir derrière les faits et pouvoir réagir plus rapidement aux opérations de planification fiscale qui changent sans cesse. La description des constructions à notifier est volontairement vague : il s’agit simplement de constructions transfrontalières.
Le registre UBO
En 2017, le législateur belge a également prévu l’introduction du registre UBO, en exécution de la quatrième directive européenne sur la lutte contre le blanchiment de capitaux (« Anti-Money Laundering Directive » ou AML). Il s’agit d’un registre reprenant l’identité de toute personne physique qui est propriétaire d’une société, compagnie, asbl ou fondation, ou qui en détient le contrôle. Les établissements financiers faisaient déjà l’objet d’une obligation générale de connaître leurs clients, et donc d’identifier les bénéficiaires effectifs (« Ultimate Beneficial Owners ou UBO »). Désormais, les entités ont également l’obligation de le faire par le biais d’un enregistrement obligatoire de leur UBO. Le délai officiel pour le premier enregistrement des bénéficiaires effectifs en Belgique est actuellement fixé au 30 septembre 2019.
Des initiatives législatives complémentaires
Le champ d’application de la taxe boursière a ainsi été étendu depuis le 1er janvier 2017 aux transactions effectuées par le biais d’intermédiaires étrangers. Concrètement, cela signifie qu’un résident belge qui détient un compte à l’étranger est tenu de déclarer lui-même cette taxe et d’en assurer le paiement, sauf si l’intermédiaire étranger offre ce service (Delen Private Bank Luxembourg et Delen Suisse le font par exemple).
« Certaines mesures n’ont pas pour but, mais pour conséquence d’offrir au fisc une plus grande visibilité sur vos comptes. »
Conclusion
La collaboration entre États se fait de plus en plus forte au niveau international. Elle s’étend à un nombre croissant de pays. Les méthodes ainsi que les moyens pour arriver à une politique fiscale efficace sont également de plus en plus pointus. L’approche de Delen Private Bank est claire et transparente : l’optimisation peut également se faire de manière honnête et correcte. Dans une perspective à long terme, les constructions fiscales complexes auxquelles les pouvoirs publics feraient à terme obstacle ne sont pas une option acceptable. C’est la raison pour laquelle nous privilégions les solutions claires, assorties d’une certitude juridique.