Planification successorale : et vos petits-enfants ?
- 4 mai 2021
- Juridique
Gâter ses petits-enfants est le rôle – et le bonheur – de tous les grands-parents. Pour certains, cette agréable mission revêt également un aspect financier : ils souhaitent leur donner un coup de pouce, par exemple, lors de l’achat d’une nouvelle maison ou la création d’une entreprise. Comment faire ?
Avec un « saut de génération », vous transmettez vos biens directement à vos petits-enfants, sans passer par vos enfants. Il existe différentes techniques pour appliquer cette méthode. Vous pouvez tout d'abord prendre l’initiative de soutenir vos petits-enfants, en leur faisant une donation ou en rédigeant un testament. La finalité est la même : c’est-à-dire favoriser vos petits-enfants tout en réalisant une économie fiscale. Veuillez toutefois noter que la manière de procéder est différente (voir ci-dessous). De même, vous pouvez également choisir de ne pas planifier activement votre succession et de laisser la main à vos enfants. Après votre décès, ils pourront ainsi prendre des mesures en vue de favoriser leurs enfants (vos petits-enfants). Il leur suffira de renoncer à votre succession en leur faveur ou bien de faire, à leur tour, don à leurs enfants des biens dont ils ont hérité.
Une donation
La donation est un contrat par lequel vous transmettez, de votre vivant, une partie de votre patrimoine directement à des personnes spécifiques. Elle prend effet immédiatement et est en principe irrévocable. La donation réduit immédiatement la taille de votre patrimoine. Ceci permet à vos enfants de payer des droits de succession moins élevés à votre décès.
En outre, si la donation de biens mobiliers est réalisée par le biais d’un don bancaire ou d’un don manuel1 (par exemple, de l’argent, un portefeuille-titres voire des œuvres d’art), elle ne donnera pas lieu à la perception de droits de succession si votre décès survient plus de trois ans après cette donation en Région flamande et en Région de Bruxelles-Capitale, ou plus de cinq ans après celle-ci en Région wallonne2. Vous pouvez également faire enregistrer cette donation manuelle ou ce don bancaire à vos petits-enfants au taux forfaitaire de 3 % (en Région flamande et en Région de Bruxelles-Capitale) ou de 3,3 % (en Région wallonne). Grâce à cet enregistrement, les biens mobiliers donnés disparaîtront définitivement de votre succession et aucun droit de donation ne sera dû, même si vous décédez endéans les trois ou cinq ans suivant la donation.
1 En principe, toutes les donations doivent être faites par acte notarié, ce qui donne lieu à la perception de droits de donation. Les principales exceptions à cette règle sont les dons manuels et les dons bancaires. Le don manuel est le transfert physique du bien donné (par exemple, des bijoux, des œuvres d'art, etc.) par le donateur au donataire. Lorsque le donateur transfère de l'argent et/ou des titres de son compte bancaire à celui du (des) donataire(s), on parle d’un don bancaire. Quand l’objet de la donation ne peut être physiquement transféré, ou quand le donateur souhaite se réserver l'usufruit, la donation doit être faite par acte notarié.
2 Les biens dont vous faites don dans les trois ou cinq ans – selon la Région – précédant votre décès et pour lesquels vous n’avez pas payé de droits de donation seront considérés comme faisant partie de votre succession, et les donataires devront encore payer les droits de succession y afférents.
Un testament
Contrairement à la donation, le testament ne produit ses effets qu’au moment de votre décès. Les parts recueillies dans votre succession sont imposées à des taux progressifs et les droits de succession sont calculés (en principe) séparément dans le chef de chaque héritier. En répartissant votre succession entre un plus grand nombre de bénéficiaires, les parts que reçoivent vos héritiers se réduisent et vous pouvez donc réaliser une économie d’impôt. Ainsi, en incluant vos petits-enfants dans votre testament, le patrimoine qui aurait été imposé dans le chef de vos enfants aux taux de droits de succession les plus élevés sera imposé dans le chef de vos petits-enfants dans les tranches inférieures. En effet, vos petits-enfants seront imposés, comme vos enfants, au tarif « en ligne directe »3. En outre, en attribuant une partie de votre succession directement à vos petits-enfants, vous sautez une génération, et les droits de succession à payer au décès de vos enfants seront donc moins élevés.
Si vous habitez en Région flamande, vous pouvez favoriser vos petits-enfants par le biais d’un testament. Si vous léguez une part nette de 50 000 euros (par grand-parent), ils pourront bénéficier d’une réduction de droits de succession. En limitant cette part à 12 500 euros (par grand-parent), ils bénéficieront d’une exonération totale de ces droits.
Des mesures de protection supplémentaires
Comme les petits-enfants ne sont pas des héritiers réservataires, vous pouvez prévoir des mesures de protection supplémentaires dans l’acte de donation ou dans votre testament pour qu’ils ne puissent pas disposer directement des biens. Il existe en effet différentes possibilités :
- Une donation avec réserve d’usufruit qui vous permet de garder le contrôle sur les biens donnés et les revenus générés par ceux-ci (notamment les dividendes, les intérêts et coupons, mais pas les plus-values) ou une donation dans laquelle vous laissez l’usufruit des biens donnés à votre enfant et la nue-propriété à vos petits-enfants.
- Un legs qui prévoit l’attribution immédiate d’un patrimoine mobilier (par exemple, une somme d’argent ou un portefeuille) à vos petits-enfants au moment de votre décès, mais assorti d’une clause de gestion stipulant qu’un tiers (par exemple, votre enfant) se chargera de la gestion de ce patrimoine mobilier pendant une période déterminée (par exemple, jusqu’à ce que votre petit-enfant ait 25 ans).
- Un legs à votre enfant (parent de vos petits-enfants) avec charge testamentaire pour ce dernier de transmettre le patrimoine mobilier à ses enfants (vos petits-enfants) au moment de son décès (et non au moment du vôtre). Dans l’intervalle, la gestion du patrimoine légué sera confiée à votre enfant.
- Un legs par lequel la nue-propriété de votre patrimoine (ou d’une partie de votre patrimoine) est léguée à chaque petit-enfant et où l’usufruit revient à votre enfant.
Faites attention : dans le cas d’une donation comme dans celui d’un testament, vous devez tenir compte de la réserve de vos enfants. En effet, vos enfants ont toujours droit (ensemble) au minimum à la moitié de la masse de calcul (auparavant appelée masse fictive)5 en pleine propriété. Vous pouvez donc léguer librement à vos petits-enfants l’autre moitié (la « quotité disponible »). Si les donations que vous réalisez ou les legs mentionnés dans votre testament dépassent la quotité disponible, vos enfants (ou l’un d’eux) peuvent exiger la réduction de la donation ou du legs après votre décès. Cette réduction ne s’effectue toutefois pas de plein droit.
5 Il s’agit de tous les biens laissés au moment de votre décès, diminués des dettes de la succession et majorés de toutes les donations effectuées de votre vivant et le cas échéant indexées ou revalorisées.
Que se passe-t-il si vous ne faites rien ?
Si vous n’entreprenez aucune démarche concrète afin de favoriser vos petits-enfants, vos enfants disposent néanmoins de la possibilité de prendre certaines mesures après votre décès pour que votre succession (ou une partie de votre succession) revienne à leurs propres enfants (vos petits-enfants).
Renonciation à la succession (saut de génération total)
En premier lieu, vos enfants peuvent renoncer à votre succession6. Dans ce cas, celle-ci reviendra alors automatiquement à leurs propres enfants et les mêmes biens ne seront donc pas soumis deux fois aux droits de succession. Cette renonciation présente toutefois plusieurs inconvénients :
- La décision de renoncer à la succession appartient à chaque enfant et non à vous-même.
- Vos enfants doivent renoncer entièrement à votre succession (principe du tout ou rien) en faveur de vos petits-enfants.
- La répartition s’effectuera par branche familiale (et non par tête). Par conséquent, certains petits-enfants pourraient hériter plus que d’autres.
En outre, vous devez également tenir compte de la fiscalité. En Région wallonne, une renonciation ne peut avoir pour effet que les bénéficiaires finaux (vos petits-enfants) paient moins de droits de succession que ceux qui auraient été dus par la personne qui renonce à la succession (votre enfant). Dès lors, vos petits-enfants devront payer, ensemble, au minimum les mêmes droits de succession que ceux que votre enfant qui renonce à la succession aurait dû payer. Cette règle a toutefois été supprimée en Région flamande et en Région de Bruxelles-Capitale. Dans ces Régions, une renonciation de la part d’un ou de plusieurs enfants peut dès lors s’avérer intéressante. En effet, les droits de succession en ligne directe sont calculés séparément dans le chef de chaque héritier. Cette technique peut ainsi contribuer à une répartition entre un nombre plus élevé d’héritiers et à une diminution du montant total des droits de succession.
6 Pour renoncer à une succession (ou l’accepter sous bénéfice d’inventaire), il y a lieu de faire une déclaration devant notaire (dans un acte authentique).
Donation transgénérationnelle (saut de génération partiel)
Vos enfants peuvent également choisir d’accepter votre succession (et de payer les droits de succession y relatifs) et de transmettre ensuite ces biens, totalement ou en partie, à leurs propres enfants. Il s’agit alors d’un nouveau transfert de biens, en principe soumis aux droits de donation.
Cependant, la Région flamande a prévu une exonération des droits de donation sur cette seconde transmission, pour autant que vos enfants fassent don à leurs propres enfants des biens hérités – ou d’une partie de ces biens – dans l’année suivant votre décès, par l’intermédiaire d’un acte notarié et en respectant certaines conditions. La Région de Bruxelles-Capitale et la Région wallonne n’ont actuellement aucune mesure favorisant ce type de donation.
Mieux vaut anticiper
Il est fort probable que vos enfants soient financièrement à l’aise au moment de votre décès. Vous pouvez dès lors inclure vos petits-enfants dans votre planification successorale. Vous les aiderez ainsi à prendre un bon départ dans la vie. En outre, vous réduirez fortement la charge successorale, car en sautant une génération, vous limiterez les droits de succession qui devront être payés à terme.
Vous souhaitez réfléchir ensemble à l’avenir financier de vos petits-enfants ? Contactez-nous. Votre chargé(e) de relation se tient à votre disposition pour discuter de vos projets en toute discrétion. Si nécessaire, nos estate planners et fiscalistes peuvent également vous conseiller afin de préparer l’avenir de votre patrimoine et de votre entreprise.
Mise à jour d’octobre 2024 : Le nouveau gouvernement flamand envisage d'étendre le délai de survie des donations non enregistrées de trois à cinq ans à partir du 1er janvier 2026. Nous soulignons toutefois que ce décret n’a pas encore été voté. Notre équipe Estate Planning suit de près l’actualité juridique et vous informera de toute évolution en la matière.